mercredi 27 janvier 2010

" Si on invente des langages, on invente un spectacle? " Cie blOffique, 19/01

Avec les Subsistances, les Gens de Parole ont pu attaquer 2010 de manière inhabituelle : le spectacle du mardi 19 janvier où nous étions présents s’est passé… au 13, rue des 3 rois à la Guillotière.

« République la libre (en partie brisée) »
, mis en scène par Magali Chabroud et avec sa compagnie le blOffique Théâtre, fait en effet déambuler le public dans les garages, couloirs, ascenseurs, cours d’immeubles enrichis d’installations plastiques.  Des acteurs entraînent les spectateurs à leur suite, divisent le groupe, le rassemblent, chuchotent, chantent, inventent leur propre langage, comme un peuple parallèle entre les murs de nos habitations.





Investir des lieux communs semble être particulier à Magali Chabroud, et c’est dans le hall, autour d’un thé, que nous avons pu ensuite la questionner…


D‘ailleurs, pourquoi travailler en immeuble?
Magali nous explique : « d’abord le rapport au texte [celui-ci est un montage de différents auteurs dont Henri Michaux, Raymond Devos, Henri Anton Müller…] : il s’agit d’art brut. L’immeuble est aussi la métaphore d’une ville, un lieu-repère. »

Et pourquoi ces images de nuages, projetées dans les sous-sols, posés dans l‘herbe?

Plusieurs réponses existent là aussi : il s’agit à la fois de faire perdre ses repères au spectateur en ouvrant des fausses perspectives; mais ces visuels de ciel sont aussi des éléments apaisants face aux textes parfois durs à entendre. Ce sont des contrepoints qui ne posent pas question. Enfin, ils permettent de donner une image sympathique vis-à-vis des habitants de l‘immeuble : un moyen efficace de rencontre, d’accroche!

A ce propos, que déclenche l’arrivée des artistes dans l’immeuble?

« C’est une réelle aventure… sans ça, pas de spectacle! »
Magali nous confie que pour cet immeuble, où les représentations ont lieu en janvier, le repérage a été fait en septembre… environ 3 mois sont donc nécessaires à la mise en place du spectacle (en précisant quand même que la compagnie travaille depuis quelques temps déjà dans le quartier). Les repérages et prises de mesures avec la scénographe se font… cachés!

Au niveau des relations avec les voisins, la metteuse en scène nous l’affirme : il n’y a pas une volonté de rapport pédagogique. Quand on lui demande s’il y a des retours, après le spectacle, de la part des habitants, elle nous répond que non, faute de moyens. Cela reste une frustration, aussi car souvent à la fin des spectacles, même le public part directement, le lieu n’étant pas dédié à la représentation.
Peut-être cela laisse-il un goût d’inachevé, mais Magali le dit aussi : « d’une certaine façon ça me regarde pas, ce n’est pas mon métier ».
Faire du théâtre en immeuble serait alors « plus une sorte d’aventure pour les spectateurs qu’une révolution sociale ».

Une petite révolution de quartier alors… car une semaine avant le début des représentations, les « préambules » désarticulent déjà les alentours de l’immeuble:  panneaux routiers dans le mauvais sens, installations plastiques, détournements d’objets, distributions de cartes postales… Une sorte de jeu de piste qui annonce la couleur! Au bout de 4 jours, un gros affichage est mis en place et la compagnie fait du porte-à-porte.

L ‘équipe a-t-elle déjà du faire face à des refus?
La metteuse en scène nous explique que c’est quasiment impossible : quand la compagnie arrive, elle déjà en accord avec les propriétaires : les voisins ne peuvent donc rien interdire … « mais peuvent tout casser! »
Il s’agit donc là pour la compagnie blOffique d’un « vrai défi », car celle-ci s’expose constamment.
Travailler hors-les-murs, Magali Chabroud l’avoue, c’est pour elle « une sorte de spécialité ». Mais quand bien même « c’est une nécessité d’aller voir ailleurs que dans les théâtres », cela reste très compliqué (pour ne pas dire, « c’est le merdier !») : les conditions de travail sont dures,  l’équipe est mise en fragilité en permanence, et reste exposée sans arrêt (encore plus, par exemple, que dans le théâtre de rue où sont délimitées des zones de travail).
Mais il reste très important de montrer ce genre de culture, notamment à ceux qui aident à son financement (le projet étant très subventionné, à la fois par des branches du ministère de la culture et par la ville).

Dans un tel projet contextuel, comment s’adapter différemment à chaque fois?
En effet, le rythme du spectacle est donné par le bâtiment qui l’accueille. Le montage de texte aujourd’hui ne bouge presque plus, se redécoupe un peu mais la matière reste. Certains « trucs » se retrouvent toujours aussi : un prologue dehors, certains passages ensemble, des dispersions à des moments donnés, la prise d’ascenseurs.


C’est un spectacle toujours sur le fil : « ça vit »!

mardi 26 janvier 2010

11/12/09 : de l'anthropologie, de la danse et de l'italien

Le 11 décembre 2oo9, les gens de parole ont pu rencontrer Anne Décoret, anthropologue de la danse, avant de participer à son atelier « échauffement du spectateur » puis de voir le spectacle « La Natura Delle Cose » de la compagnie Virgilio Sieni.

Retour sur l’échange…

















 Et tout d’abord, qu’est-ce qu’une « anthropologue de la danse »?
Anne explique : « ce n’est pas un métier au sens propre: plutôt qu’un poste, c’est une posture. »
Une posture qui combinerait alors ses deux passions :
« L’anthropologie est la science de l’altérité, de la diversité culturelle, une manière de s’intéresser à l’être humain… Car il n’existe qu’une catégorie : l’être humain. Son propre est d’inventer des différences.
Je suis spécialiste de la danse, dans laquelle il n’y a aucune hiérarchie : tout est intéressant.
Mon questionnement est celui-là : comment au quotidien faire avec cette diversité culturelle? »

Pour y répondre, Anne cumule plusieurs activités : « Je suis formatrice, enseignante, dans plusieurs domaines (connaissance de la danse, histoire chorégraphique…) et pour tous les publics. »



Elle est aussi l’inventrice des ateliers «échauffement du spectateur» : ceux-ci sont proposés au public avant un spectacle donné et lui permettent, entre autres, d‘aborder quelques notions de danse propres a la représentation qui suit. A mi-chemin entre le cours de danse, l‘échauffement de théâtre et la rencontre avec des inconnus, cela est sans contexte une expérience unique!

D’où est venue à Anne cette idée?
« Les échauffements du spectateur sont nés du constat qu’en séminaires ou autres, quelqu’un a toujours la posture du savoir. Ici le spectateur peut participer, il s’agit d’un réel éveil. »
En plus de cette volonté de modifier le rapport habituel au savoir, Anne s’intéresse au phénomène des « neurones miroirs »  : découvert en 1992, il s’agit du fait que quand quelqu’un fait quelque chose, celui qui le regarde a   des neurones qui s’activent…
Regarder un spectacle n’est donc pas une activité passive, et c’est grâce aux ateliers du spectateur que le public peut, lui aussi, s’exprimer.


Pour y avoir participé ce soir là, certains gens de parole pourront vous l’affirmer : c’est bien un moment unique que nous avons vécu là avec Anne Décoret. Elle a notamment fait aborder au groupe les notions de jeunesse, vieillesse, de rapport à l’autre… avec le corps.
Plus tard dans le Hangar des Subs, ce sont des éléments que nous avons pu retrouver dans « La Natura Delle Cose », comme des clins d’œil à notre propre expérience.